Des nerfs d'acier !
Au vu des réactions sur l'article Great Teacher Onizuka ! et l'audience particulière de ce billet d'après les statistiques de ce blog, je vais revenir sur une histoire qui a maintenant quelques années...
C'était ma deuxième année en tant que MCF. Pour ceux qui suivent, je préparais déjà ma mutation. Mais ce jour là, c'était la rentrée des étudiants et je pensais juste à voir les nouvelles têtes, histoire de voir si j'allais avoir une promo sympa ou pas.
Le souci c'est que c'est la rentrée pour toute l'université donc on voit beaucoup d'étudiants, mais seule une petite partie va se retrouver dans un de mes cours. Mais je connais à peu près le profil de mes étudiants, surtout ceux que j'ai sélectionnés et dont une photo d'identité est passée entre mes mains. C'est donc un petit jeu tous les ans d'imaginer lesquels feront partie de mes ouailles en espérant bien sur que ce soient les plus sympas, et surtout les plus calmes !
Je suis donc là en cette matinée de septembre à traverser une marée humaine, je monte à l'étage et d'en haut je vois tous les étudiants, le point de vue est meilleur. Et là, au milieu de tout ce monde, je vois une belle brune bouclée. Sans savoir si c'est une étudiante ou la copine d'un étudiant venue l'accompagner pour la rentrée. Je la remarque, je la trouve belle et attirante. Un vrai plaisir pour l'esthète qui aime regarder les belles choses. Elle doit avoir autour de 21 ans, mais déjà avec une certaine maturité dans l'aspect, et surtout dans le choix des vetements. Une vraie working girl ! Tailleur mini-jupe et chaussures à talons. Mon regard la quitte pour embrasser les autres visages, en espérant que cette nouvelle année va bien se passer.
Quelques jours après, mon premier cours arrive. Et vous vous en doutez, sinon je ne serai pas en train de rédiger ce billet... elle s'est trouvée non seulement être une étudiante de l'université, mais une de MES étudiantes. Un étudiante de ma formation principale qui plus est, celle ou j'interviens le plus. Ca veut dire une bonne trentaine d'heures de TD passées en sa compagnie.
Les semaines ont passé, et je n'ai pas remarqué sur le coup (ça m'est venu a posteriori) que cette étudiante (nous l'appelerons Emilie), changeait de place dans l'amphi pour se rapprocher inexorablement du premier rang ou elle a passé tout le reste de l'année. Dans cette formation j'assurai un cours en amphi, ainsi qu'un TD que je donnais à deux groupes sur la promo. Elle faisait bien entendu partie d'un de ces deux groupes... Un jour je suis en TD avec le groupe dont elle ne fait pas partie, et là en discutant du TD avec des étudiants, deux me disent : vous savez Emilie n'arrete pas de parler de vous... J'avoue que ça m'a touché. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Bien entendu que cela flatte de plaire à une jolie fille (mais je ferai un billet sur ce point précis car il faut avoir du recul quand même !) mais c'était plus gentil comme sensation, un peu comme si je m'étais fait une amie. Une semaine plus tard, au resto avec une collègue, j'apprend la aussi qu'elle parle souvent de moi du genre "oui mais M Le Prof il a dit ça, c'est un autre point de vue que je préfère" etc etc.
Décidemment il semblait que je ne laisse pas cette jeune fille indifférente. Mais il y a tellement de raisons... La position de l'enseignant est une position de force dans cette relation, et c'est dès lors facile pour une étudiante d'être "séduite" par un homme qui l'écoute, qui lui explique des choses qui lui sont utiles, qu'elle peut admirer parfois pour son intelligence ou sa connaissance du monde ou tout simplement parce qu'il lui rappelle quelqu'un qu'elle apprécie. Quand je vois une étudiante qui a l'air un peu "séduite", que ce soit par moi ou un collègue, je me dis toujours que dans un autre contexte elle ne le serait pas, et que la vie que j'ai est surement à mille lieux de celle qu'elle imagine. Ceci dit, on est toujours flatté surtout quand on a un tant soit peu de recul vis à vis de ce pouvoir de séduction. Quand je sens que je plais à une étudiante, je me dis que cette attirance est fortement basée sur le fait que je fais bien mon travail. Comment une étudiante pourrait m'admirer si elle trouvait mon cours inintéressant et ma façon de l'enseigner ennuyeuse ? C'est finalement un bon baromètre de la qualité d'un cours !
Arrive le mois de mars. Les étudiants de cette promo font un gala tous les ans. C'est assez sympa et un certain nombre de collègues y participent. Ce gala est en quasi-totalité financé par l'établissement car à l'instar de la classe de neige son but est encore une fois de construire un réseau d'étudiants qui vont devenir, tôt ou tard, des professionnels. L'idée étant alors d'avoir un fort lien entre l'université et les professionnels pour augmenter le taux d'emploi à la sortie de diplomes. Et de ce fait augmenter l'attractivité de ces mêmes diplomes. Ce gala compte donc dans le "budget marketing" de l'institution. Enfin quoiqu'il en soit, cette année là, le gala se prépare. Je croise deux étudiantes, dans un couloir qui mène aux salles de cours, qui me demandent si j'y vais. J'hésite toujours à participer à ce genre d'événement car on ne sait jamais comment les étudiants vont tenir l'alcool, mais sur cette promo ca se passe plutot bien, donc je dis oui. Elles font demi-tour, font quelques pas puis accelerent et entrent dans une salle, hystériques et j'entends "Emilie, Emilie !!! Il vient !!!!". Ca commence à sentir le piège mais c'est mignon. On est pas du tout dans une situtation malsaine comme celle que j'ai décrite ici (lien).
Arrive le jour J. Gala d'étudiants... Tous ont fait un effort vestimentaire, il y a pas mal de collègues (ouf !), les choses sont très bien organisées, il y a une scène avec un groupe d'étudiants qui fait des reprises de titres du moment.. La soirée se déroule bien, quelques étudiants un peu alcoolisés viennent me faire une bise en me disant que c'est super que je sois là. Certains un peu plus ivres se mettent à me tutoyer (on se croit par moment dans le sketch de Marc Jolivet sur le digicode, mais là avec un prof "Tu sais, je te parle d'homme à homme, je t'aime bien et je te respecte en tant que prof, c'est super tes cours, vraiment, je te fais la bise, et je vais aller vomir..."). D'autres viennent se prendre en photo avec moi ou avec un(e) collègue. Pas de nouvelles d'Emilie. Je l'ai croisée, mais elle reste à distance. Et puis finalement, elle vient avec une copine pour qu'on nous prenne en photo ensemble. Et elle fait le tour, elle en prend une avec une collègue puis avec une autre collègue MCF et repart. La soirée avance, j'ai envie de rentrer, ca va surement durer jusqu'a l'aube. Je n'ai pas envie de passer la nuit là. En plus le gala a lieu à plusieurs kilomètres de la ville. Donc une fois le dessert avalé... je discute un peu mais je songe clairement à m'éclipser. Je dis donc au revoir à tous les gens de ma table, et pars de cette salle qui s'est transformée en discothèque. Je demande mon manteau à l'étudiante qui s'occupe du vestiaire et là... apparition ! Emilie qui arrive. Tout seule.
"Monsieur vous rentrez ?
- Oui je me lève tôt demain matin et la danse je dois avouer que cela n'a jamais trop été mon fort
- Vous pourriez me ramener ? J'habite pas loin de la fac."
Onizuka aurait dit "Teacher Banzaï !". Mais moi je lui dis juste :
- Je suis désolé Emilie, je pars dans l'autre sens, je donne un cours dans notre annexe nord demain, du coup je vais dormir chez mes parents pour me rapprocher". Ceci était bien entendu un mensonge.
" Ah bon ? (très déçue)
- Ne vous inquitez pas je vais vous trouver quelque chose, venez avec moi".
Nous rentrons de nouveau dans la salle, je sais qu'une de mes collègues est sur le point de rentrer aussi. Je demande à ma collègue de la raccompagner, celle-ci est d'accord.
"Voilà Emilie, vous êtes en de bonnes mains !"
La semaine suivante j'ai repris le squash ! Ca défoule !